Clos de l'Anhel

Tous les vins du domaine

Avec Sophie Guiraudon

Clos de l'Anhel

Le chant des cigales est entêtant en cette matinée de Juillet 2020, lorsque nous traversons l'arrière-pays de la montagne d'Alaric, dans les Corbières, en compagnie de Sophie Guiraudon pour aller visiter les vignes du clos de l'Anhel. Une fois sortis de la voiture, il fait déjà une chaleur écrasante dans la garrigue, et il n'est que 11 heures du matin... dans ce décor de carte postale des environs de Lagrasse... à près de 200 mètres d'altitude.
Plantier au lieu dit "les Planels" à Ribaute
De la sécheresse dans l'Aude
La problématique du végétal et de l’eau, voilà ce qui préoccupe Sophie, après une année 2019 caniculaire où la plupart de ses très jeunes vignes plantées en avril de cette année-là ont souffert au point de devoir être arrosées quatre fois avec une citerne pour pouvoir survivre. En jargon du métier de viticulteur, on appelle cet endroit « un plantier », là où les jeunes plants sont mis en terre. Sur 40 ares, Sophie fait un essai à grande échelle de replantation avec une réflexion poussée sur le matériel végétal adapté. Pour schématiser, et pour avoir un cep de vigne durable lorsqu’on le plante, il faut aujourd’hui un bon porte-greffe (résistant au phylloxéra) adapté à son sol (ici argileux sur calcaire), un greffon (un cépage) si possible de bonne qualité en sélection massale (et non clonale) et du savoir-faire pour que la greffe prenne bien. Sophie fait appel à des greffeurs Portugais.
La fragilité du matériel végétal des années 50 « Aujourd’hui on a des vignes centenaires parce que ce sont des vignes qui ont été greffées sur pied, à l’aide de techniques manuelles, qualitatives », nous explique-t-elle. « Et je pense que dans le futur, on aura une période où il n’y aura plus du tout de vignes centenaires. Toutes celles qui ont été plantées dans les années 50/60, avec du matériel végétal bas de gamme, ne tiendront jamais. Donc il va y avoir un trou générationnel dans le vignoble. »
Jeune plant de Carignan blanc (nouvellement reconnu dans l'appellation Corbières), avec les traces de l'orage salvateur récent, sur ce sol limoneux...
Des vignes pour demain...
Pour cette replantation, elle y met les moyens financiers, près de 3 fois le prix normal pour que les ceps soient durables, avec un pépiniériste travaillant uniquement en sélection massale, entièrement en biodynamie et pratiquant la fente anglaise. Quitte à renoncer aux subventions puisque ces sélections massales sans certifications et quelque part sans numéro (au contraire des clones) qui fournissent pourtant une solution durable au dépérissement ne rentrent pas dans les critères éligibles pour en bénéficier. Sans parler des cépages, puisque Grenache gris et Carignan blanc en sont exclus. Mais ça n’a pas découragé Sophie qui préfère ne pas raisonner court terme… «on ne plante pas souvent des vignes dans sa vie, alors autant le faire bien».

La densité des nouveaux plants est de 5 000 pieds à l’hectare, avec des espacements de 2 mètres sur 0.9 mètres, pas trop serrés donc, car il y a la sécheresse. Le désherbage est réalisé à la pioche, ou à la bineuse électrique, pour éviter toute concurrence végétale sur les jeunes vignes en phase d’enracinement (leur éviter que des végétaux concurrents autour d’elles captent l’eau à leur place). Sur les vieilles vignes c’est différent et l’herbe peut être laissée. Mais sur les jeunes vignes, si on laisse l’enherbement, la survie peut rapidement se trouver compromise, sans parler des rendements, sur les jeunes vignes productives (après 4 ans) qui peuvent facilement chuter de moitié.

Un orage bienvenu a amené 41 millimètres de pluie miraculeuse le Jeudi d’avant. Donc on respire, les jeunes vignes nouvellement plantées en 2019 qui avaient pris un an de retard à cause de la sécheresse peuvent reprendre leur croissance.

Vignes de Syrah avec le palissage
Encépagement
Le domaine du Clos de l’Anhel compte 10 hectares et produit 95% de vins rouges. Depuis quelques années un peu de vin blanc et de rosé fait son apparition. Sophie Guiraudon s’est installée en 2000, et a repris des vignes existantes dont un joli patrimoine de très vieilles vignes de carignan. L’agriculture biologique a été la philosophie du domaine depuis le début et le domaine est certifié Ecocert depuis 2003. Sophie insiste sur la biodiversité (préservation des haies, plantations d’arbres fruitiers, maintien de l’enherbement spontané 1 rang sur 2 dans les vieilles vignes, présence de nichoirs…) pour casser la monoculture. Plus bien sûr le fait d’avoir un sol vivant pour renforcer les défenses de ses vignes face aux maladies et à la sécheresse. De la biodynamie, elle retient surtout la capacité de traiter les vignes grâce à des tisanes de plantes. Par exemple, le domaine utilise un produit à base d’huile essentielle d’orange comme antifongique pour abaisser les doses de soufre et surtout de cuivre, qui reste dans les sols. La syrah du domaine (ici à gauche) a besoin d’être palissée (sur fils) pour ne pas trop se répandre sur le sol, c’est un cépage qui retrouve vite son caractère de liane.
Tisanes et biodynamie Ce pulvérisateur permet de traiter les vignes en douceur. Sophie expérimente des tisanes à base d'huile essentielle d'orange...
Vieux carignans Les très vieux et très beaux carignans enherbés, taillés en gobelet (et non rognés) du domaine qui vont fournir l’ossature des trois cuvées Les Dimanches, les Terrassettes et le lolo de l’Anhel...
A la cave, Sophie travaille de manière très peu interventionniste : raisins égrenés, foulés, les cuvaisons ne recherchent pas spécialement d’extraction tannique (pigeage léger manuel jusqu’à immersion du chapeau dans le marc), en veillant à n’apporter aucune modification des caractères du millésime par un quelconque traitement chimique ou physique. De ce fait, chaque millésime assume ses qualités, ses équilibres, son style et Sophie a totalement abandonné les élevages partiels en fûts de chêne depuis 2007. « Je trouvais que cela apportait un maquillage inutile à mes vins et j'avais surtout envie d'exprimer les aromatiques du terroir et des cépages ».