Servir le vin correctement est un art qui ne s'improvise pas vraiment...

Savoir attendre, anticiper, composer

Vous pourrez avoir une cave excellente, judicieusement composée de crus et de bouteilles savoureuses, prêtes à régaler vos papilles et celles de vos proches, et pour autant ne pas être à l'abri de déceptions voire même de sensations de gâchis complètes. Pour prendre une analogie, enfileriez-vous votre plus beau pantalon pour aller jardiner ou changer une roue de voiture ? Sortiriez-vous vos plus beaux verres en cristal pour que les enfants puissent tremper leurs pinceaux en faisant de la peinture à l'eau ? Non, bien sûr. Vous vous adaptez à juste titre aux circonstances. Et pour le vin, figurez-vous que c'est exactement pareil !

Il y a « un moment » du vin, et il obéit à quelques règles, qui sont au nombre de 5 selon moi.

  1. Servir le vin qui sied bien à une occasion, à une ambiance

  2. Servir le vin adapté à vos convives, à votre" public"

  3. Servir le vin qui convient à l'instant présent et respecte l'ordre des choses

  4. Servir le vin correctement (température, aération, préparation, verres adaptés)

  5. Servir le vin qui va bien accompagner la cuisine

La bonne occasion
Les bons convives
Respecter l'espace de chaque vin
La température de service ne doit jamais être négligée
Les accords mets-vins réclament de la préparation...
S'adapter au moment, "sentir" le vin adapté à une ambiance fait partie des dilemnes contructifs de l'amateur...Cette magnifique bouteille du domaine Causse Marines s'apprécie pour elle-même à l'apéritif et en petit comité.
La bonne occasion, la bonne ambiance
Il n’y a rien de plus frustrant que de déboucher un vin décevant pour une grande occasion. Il est tout aussi frustrant de déboucher une bouteille merveilleuse dans un environnement où elle ne sera pas appréciée à sa juste valeur, bue à la va-vite (descendue comme on dit) sans avoir eu le temps d’être vraiment goûtée. Le vin complexe, la grande bouteille exigent une mise en condition de l’esprit. L’effet de surprise peut être bienvenu, mais il sera rarement récompensé. C’est la première des règles. Ne pas mélanger sérieux et légèreté. Ne pas vouloir improviser avec ce qui réclame de la disponibilité et de l'attention.
Le Sauvignon sur peaux de Tom Shobbrooke, un vin Australien pour connaisseurs...
Le public
La connaissance du vin n’est pas le bien le mieux partagé. Le souci en revanche, c’est que tout le monde se sent « autorisé » à avoir son avis, quitte à tout mélanger. Dès lors, il est impératif de servir le vin qui convient bien aux convives. Il ne sert à rien de vouloir déboucher un vin orange subtil, qui réclame de l’attention, de la curiosité, à des personnes trop pressées de finir leurs verres ou qui ne jurent que par les vins rouges. Plus que jamais, « adaptez-vous au public ». Il vous remerciera.
Un grand vin se mérite, il faut le servir avec le bon effet de séquence
L'espace du vin
En dehors des accords mets-vins usuels, il y a aussi la pertinence du moment, de l’instant. La fin de soirée ne se prête pas à vider des grands crus…sauf si c’est votre plaisir mais avouez qu’on peut rêver meilleur moment pour les déboucher, surtout s’ils viennent de passer dix années dans votre cave à attendre leur tour. De même, le vin d’avant repas se doit d’aiguiser l’appétit, pas de plomber l’estomac. Encore une fois, il est bon de penser un peu en amont. Servir un liquoreux à l’apéritif et saturer la bouche de sucre n’est pas la meilleure manière de préparer les papilles pour le repas qui va suivre et de se donner les moyens de profiter des autres vins qui seront servis.
Le carafage a été bénéfique à ce délicieux Tavel 2018 de la famille Pfifferling...si vous en trouvez, buvez-en !
Le service divin, les grands principes
Servir un vin trop chaud, qui ne laissera qu’une sensation d’alcool, oublier de carafer ou d’aérer ce qui aurait permis de mieux profiter d’une bouteille, se tromper dans l’ordre des vins, et commencer par un vin trop alcooleux ou sucré qui va saturer le palais, autant d’erreurs de débutant dont on apprendra vite à se défaire juste en anticipant et en se posant les bonnes questions. Même au restaurant, si le vin me semble trop chaud, et croyez bien que cela arrive très souvent, je réclame systématiquement un seau à glace. J’ai envie de profiter pleinement de mon vin, pas de le subir. Voici les quelques principes auxquels je vous recommande de ne pas déroger, sous peine de déconvenues :
  • Tout vin servi à plus de 18 degrés va vous sembler alcooleux et comme manquant de fraîcheur. Je m'efforce de servir les vins effervescents à 8-10 degrés maximum, les vins blancs à 12-13 degrés maximum, les vins rouges légers à 16-17 degrés maximum, les vins rouges très corpulents titrant plus de 14 degrés aux alentours de 15 degrés, les vins oxydatifs vers 16 degrés maximum. J'utilise un thermomètre dans le doute pour savoir à combien de degrés est le liquide dans la bouteille, et je tiens compte de l'environnement (la pièce est-elle surchauffée ?) pour évaluer à quelle vitesse le vin une fois servi va se réchauffer dans le verre. Je n'hésite pas à replacer la bouteille au réfrigérateur, dans une pièce fraîche ou dans une glacière entre deux services. Si vous devez rafraîchir un vin en urgence et que vous n'avez pas de seau à glace ou de glaçons, mettez la carafe vide au congélateur pendant quelques minutes et carafez votre vin juste avant le service.

  • La carafe aide à oxygéner les vins jeunes, à ouvrir les arômes et à limiter la réduction ou le perlant (la sensation de gaz). Elle peut aussi aider à délier des vins de forte concentration dans des millésimes denses (2005 en Bourgogne par exemple, ou 2015 à Bordeaux)

  • Je m'arrange pour toujours ouvrir les vins à l'avance afin de les goûter et de détecter d'éventuels défauts (notamment le goût de bouchon) qui ne pardonne que rarement (il est causé par un ensemble de molécules indésirables, dont la plus connue est le TCA, qui contaminent le liège) et l'on se doit généralement de prévoir alors une autre bouteille ou un vin de remplacement. L'industrie est consciente du problème et réagit en proposant d'autres types de bouchage (diam, synthétique aggloméré, bouchon en plastique, capsule à vis, capsule en verre...) ou en prônant l'absence de traitements pour les bouchons en liège... Typiquement, si vous partez à l'extérieur et que vous ne pouvez pas changer de bouteille, il est préférable d'emmener un vin avec un bouchage alternatif pour vous éviter le problème sans recours possible. Vignalis vous indique le type de bouchage de toutes les références.

  • Les verres doivent être inodores (méfiez-vous des verres qui ont passé des mois, voire des années emballés dans leurs cartons d'origine car ils ont emmagasinés l'odeur cartonnée des boîtes) ; pour les débarrasser des odeurs parasites, il est nécessaire de les rincer avant service. Privilégiez des verres solides, de forme tulipe ou approchante, pas trop grands, que vous remplissez au tiers. Je n'ai jamais souffert de ne pas avoir de verres à Bourgogne rouge, de verres à Bordeaux, de verres à Alsace, de verres à Bourgogne blanc, de verres à Champagne, de verre à Jerez, de verres à liqueurs, de verres à Riesling, de verres à soi...

  • Un dernier aspect auquel on ne pense pas assez, il est judicieux de laisser reposer le vin et d'attendre quelques jours avant d'ouvrir des bouteilles qui viennent de vous être livrées après un transport de plusieurs centaines de kilomètres. Le secouage, les vibrations d'un voyage peuvent fatiguer le vin et ouvrir une bouteille dans ces conditions peut vous apporter des déconvenues. 

Je n'aurai pas grand chose de mieux à vous proposer que les vins du Jura de cépage Savagnin sur le Comté...ou le Morbier
Les accords
Un vin rouge sur du fromage, un Champagne sur le gâteau au chocolat, un beau Bordeaux sur de la ratatouille relevée d'ail ou sur des légumes revenus à l’huile d’olive, un grand Bourgogne sur des épices, c’est dommage, car ça ne fonctionne pas très bien et il y a tellement mieux à proposer. La liste des mauvais accords, qui gâchent et le vin et le plat, est infiniment longue…apprenez déjà à éviter les erreurs les plus communes.