Question de style...

Question de style...

Comment évolue l'approche de la production d'un grand vin dans le temps ? Quelles sont les effets de l'amélioration de la vie des sols, de la baisse des rendements, de l'adoption de l'agriculture biologique et de la biodynamie ? Questions passionnantes et complexes...

Au départ, il y a une croyance. Que le terroir de Château-Chalon est homogène, avec ses marnes bleues du Lias. Puis vient l'intuition que ce fameux sol n'est pas tout à fait le même partout , au sein de la petite appellation la plus célèbre du Jura, pour ses grands vins jaunes oxydatifs.

En Arbois, depuis le début des années 2000 Stéphane Tissot démontre avec brio que l'on n'obtient pas les mêmes jaunes selon que les raisins viennent d"en Spois", "des Bruyères", de "la Mailloche", ou de "la Vasée"...il avait commencé à mettre de côté certains jaunes parcellaires en 1996 (les raisins d' "En Spois" justement, qu'il assemblait ensuite avec le reste de la production), pour finalement franchir le pas et embouteiller séparément à partir de 2003, parce que cela avait une saveur différente.

En goûtant le Château-Chalon du domaine Courbet sur 2014, 2006 et 1994, on se rend compte de l'évolution de l'approche. Il manque le dernier chapitre, qui sera écrit à partir du millésime 2016, lorsque des vins jaunes parcellaires de différents terroirs de Château-Chalon seront embouteillés à part. C'est le grand projet de Damien, qui arrive enfin à maturité.

Pour l'heure, la dégustation des 3 échantillons montre les progrès réalisés par le domaine. Le 2014 est cristallin, d'une grande pureté, il est étonnamment accessible même par sa jeunesse. Il possède cette acidité vibrante, cette complexité d'épices et de citrons confits si typiques. Les 2013 et 2015 sont du même niveau et assez proches en style. C'est qu'entre-temps le domaine s'est essayé avec succès à l'agriculture biologique et à la biodynamie.

Le 2006 est déjà très différent. C'est une époque où Damien se cherchait encore. Pour éviter l'autolyse (mauvais goûts communiqués à cause des levures mortes), Damien embouteillait en évitant le fond du tonneau où elles sédimentent. Celui est déjà plus patiné, il sent la cire de bois, le malt à whisky, il est puissant, très long en bouche, avec des notes de curry et d'épices orientales. Mais les progrès étaient déjà palpables à ce stade.

Le 1994 semble provenir d'une autre époque. Les phénomènes d'autolyse et les notes fermentaires semblent prendre le dessus, sans compter un bouchon très fragile qui sera extrait grâce à toute la dextérité de Damien. La bouche est assagie, avec des nuances d'oranges confites. C'est intéressant mais en-dessous de ses successeurs...en terme d'équilibre et de complexité.

D'où un enseignement en forme d'intuition : c'est bien l'enrichissement de la vie des sols, le renoncement à tout produit chimique et la qualité de la vendange qui ont rendu cette évolution possible. Et davantage de précision dans la vinification probablement aussi...La vérité est dans le verre !