Les rencontres de cet été

Les rencontres de cet été

Flacons découvertes ou visites de cuvées connues qui patientent en cave depuis des années, voici le récit de quelques beaux vins croisés durant la période estivale...

Les Grands Teppes vieilles vignes 2010 de Jean-François Ganevat, magnifique et étincelante
Ganevat et Tissot, des grands vins ouillés aux élevages longs
Il ne faut pas juger trop vite...en substance c'est ce que nous pouvons retenir après avoir ouvert la dernière bouteille des Grands Teppes vieilles vignes 2010 de Jean-François Ganevat. Un vin qui, je l'ai déjà expliqué, est passé par des périodes ingrates où il semblait passablement oxydé, et où sa couleur orangé inquiétait. Cette bouteille est tout le contraire, et elle semble même en avoir encore sous la pédale. L'équilibre est là, notamment dans le rapport acidité-matière. Le vin est très complexe, avec des notes de brugnon, de prunes jaunes, d'épices comme le curcuma ou le gingembre, des notes florales qui ajoutent une touche aérienne...la bouche lumineuse déroule une gourmandise terrible, et le vin est même encore meilleur le lendemain après une nuit au frigidaire...irrésistible, tout simplement. A noter également une dégustation marquante d'un vin de table 2010 de Stéphane Tissot, "en Spois", une petite merveille de Savagnin ouillé durant 4 ans, issu de cette parcelle du Trias, mais qui n'a jamais fini ses sucres ! Il en reste environ 15 grammes, avec un vin flirtant avec le moelleux et titrant 15.8 degrés d'alcool...quelle réussite cependant, et la confirmation que les élevages longs donnent au Savagnin une dimension géniale. Cette cuvée atypique fut un splendide compagnon de dessert, et nous fîmes l'expérience d'une rareté délicieuse, combinant notes oxydatives (fruits secs) et marqueurs aromatiques provenant du caractère ouillé. Et toujours chez Tissot, la remarquable tenue des Graviers 2013, une cuvée de Chardonnay tirée d'un terroir d'éboulis calcaire, où l'on trouve souvent de la salinité et de l'iode en dégustation. Un très beau vin qui n'est pas du tout fatigué par dix années de garde, bien au contraire et qui déploie toute sa subtilité aromatique.

Savoir acheter ce dont personne ne veut, c'est aussi le sens de cette petite chronique estivale. 2004 à Bordeaux était un millésime abondant, bon marché, donné pour peu concentré, peu aromatique et manquant de chair. La vérité n'est pas forcément à l'opposé de tout cela, mais aujourd'hui après presque vingt ans de cave, la patience récompense ceux qui ont osé faire l'acquisition de quelques vins soigneusement sélectionnés: Beauséjour Duffau Lagarosse (notre photo), avec sa robe un peu trouble mais tellement séduisant, accompagné de jolis amers de zan et d'empyreumatique, Léoville-Poyferré, plus classique, très havane-cèdre étaient par exemple des choix intéressants. Bien sûr les milieu de bouche trahissent une fluidité liée au millésime mais le plaisir est bien là en situation de repas. 2012 également, recèle quelques belles réussites comme ce Fonroque, lui aussi un pionnier de la biodynamie en terre Bordelaise, promis à un bel avenir mais dont on peut commencer à se régaler.

Pontet-Canet 2012, un Bordeaux hors-norme
Un Bordeaux qui défraie la chronique...
Pour résumer... Vignalis est un fervent supporter des vins biologiques et biodynamiques, cela est de notoriété publique. Pontet-Canet, cru classé de Pauillac fut l'un des premiers à franchir le pas dans le vignoble Bordelais et dans le petit monde feutré des crus classés. Ce 2012, est, de plus, l'un des premiers millésimes de la propriété à avoir bénéficié d'un élevage en cuves façon amphores ciment, une autre innovation dont nous avons davantage l'habitude dans le Jura... Alors, qu'en penser ? Autour de la table, les avis s'accordent à dire que le vin "ne fait pas très Bordeaux". En effet, le boisé habituel n'est pas perceptible, et le vin semble du coup manquer un peu de matière et de structure. Nous sommes désorientés, mais pas au point de manquer la pureté de fruit qui s'en dégage : framboises et pépin de framboises, marmelade, notes florales délicates comme le lilas et la violette...ainsi qu'un joli toucher de bouche...sans compter que le vin prend du coffre à l'aération. Tiendra-t-il dans le temps, c'est une bonne question ! En l'état, il n'est pas ce que j'appellerais un échec, il est juste incontestablement différent et rebat les cartes de la typicité Bordelaise...Fonroque 2012, un autre cru biodynamique que j'affectionne, mais situé en rive droite et élevé en barriques, lui fut préféré pour sa complexité et son aromatique intégrant les notes boisées. Deux belles expériences...s'il en est, et dans des styles variés.
Une superbe bouteille cueillie à son apogée, après un vieillissement en cave fraîche d'une grosse quinzaine d'année...la patience récompensée !
Et Châteauneuf-du-Pape ?
L'été ne se prêterait pas à boire des vins sudistes, nous répondrait-on en substance. C'est oublier un peu vite qu'avec une aération et une température de service adaptée, on peut s'offrir une jolie séance de dégustation même avec un vin capiteux. Refroidie à 15 degrés, cette Janasse Vieilles Vignes 2006, ou encore cette fantastique Cuvée de mon aïeul du même millésime 2006 nous ont enchantés. La seconde avait des notes de réglisse extrêmement pures comme nous n'en avions jamais ressenties, et un toucher de bouche de velours absolument irrésistible...bravo